À l’occasion d’un colloque relatif au redressement du marché carbone, organisé à l’université Paris Dauphine par la Chaire économie du climat, la ministre de l’Écologie et de l’Énergie a désigné la réduction des émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) d’ici 2030 comme étant « la première des priorités ».
Cette dernière a manifesté sa volonté de maintenir un objectif de -40% à l’horizon 2030, et de -60% d’ici à 2040. Cette intervention fait suite au débat ouvert par la Commission européenne en mars dernier, relatif au cadre politique pour 2030 en matière d’énergie et de climat, et dans la suite logique du paquet énergie-climat pour 2020.
Au sujet du cadre 2030, les ministres européens ont affiché des avis très divergents lors d’un débat au Conseil Environnemental informel du mois d’avril. Certains étant opposés à l’idée de fixer des objectifs chiffrés et contraignants en matière de GES tandis que d’autres préfèrent attendre la conclusion des négociations internationales sur le climat de 2015, censées aboutir à un accord mondial.
Delphine Batho a d’ailleurs « salué » la décision du Conseil européen d’ouvrir des discussions à propos des objectifs 2030 au mois de mars 2014, qui précéderont les élections européennes de juin 2014 et la conférence des acteurs de la convention climat 2015.
Au sein du ministère de l’écologie, le directeur de la DGEC (Direction Générale de l’Énergie et du Climat), Laurent Michel, insiste sur le fait que « la priorité du gouvernement est de fixer un objectif de -40% d’émissions de GES en 2030 (…) tout n’est pas encore calé sur l’ensemble du paquet (…) nous ne sommes pas encore allés aussi loin sur les objectifs et la forme que pourraient prendre ces objectifs ».
Toujours au sujet de la réduction des émissions de GES, la ministre de l’Écologie rappelle que la définition d’un cadre politique pour 2030 constituerait un obstacle efficace à la « crise actuelle » du marché du carbone « arrivée à un point qui menace la crédibilité mais aussi la survie du système (…) La France soutient la proposition de backloading » qui implique le retrait de 900 millions de quotas excédentaires « mais on ne peut pas séparer le backloading d’une réforme structurelle du marché. »
Rejetée par le Parlement européen le 16 avril dernier, la proposition de backloading doit être examinée à nouveau en commission de l’environnement le 19 juin prochain puis en séance pleinière en juillet. Le rejet de la proposition a entraîné un recul du prix du quota de CO2 à 2,60 €, la ministre poursuit « Le backloading est le symbole test de la volonté politique européenne de redresser le système, mais on ne peut pas séparer le long terme du court terme ». Ce à quoi répond le directeur de la DGEC « le backloading n’est pas la solution unique » cependant, ce dernier insiste sur le fait qu’il est « importantissime de réussir très vite » à dégager une solution.
En novembre dernier, la Commission européenne a présenté six alternatives structurelles de réforme du marché. Elles seront examinées en consultation publique puis par les ministres européens et enfin par le Parlement dans les mois à venir.
La mise en place d’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières de l’Europe, au même titre qu’ « une réforme de la gouvernance du marché » et « la fixation d’un prix plancher pour les quotas de CO2 » sont des opportunités soutenues par Delphine Batho. Néanmoins, rappelons que l’introduction d’un mécanisme d’inclusion carbone est une idée héritée de Nicolas Sarkozy et considérée comme étant « au point mort » et qu’ « aucun pays ne la soutient, à part la France ».
L’Ademe, le Citepa et le RAC (Réseau Action Climat) ont rendu le 17 mai dernier, une étude sur les émissions de GES « importées ». Christian de Perthuis, universitaire et directeur de la chaire économie du climat estime que « le mécanisme d’inclusion carbone empoisonne le débat », ce dernier invite à se poser la question « quel est le meilleur système pour éviter les fuites de carbone et comment préserver la compétitivité ? »
Philippe Chauveau, responsable du lobbying au sein du groupe Rhodia estime que « le backloading est une mesure qui ne répond pas fondamentalement aux enjeux du marché (…) avancer sur des réformes structurelles est plus efficace en terme d’inflexion et de croyance des électriciens et des industriels dans le marché ».
Le directeur de la Chaire économie du climat estime quant à lui « qu’avoir un marché européen du carbone qui fonctionne est essentiel, notamment en terme de signal-prix (…) Mais il s’agit là d’un acte politique difficile qui demande de s’engager de manière pluriannuelle sur le renchérissement des énergies fossiles dans un contexte de crise économique et de modèle américain basé sur la chute du prix du gaz. »